Le métier d’artiste: une entreprise comme une autre

Ce billet vient en complément de celui publié sur ce blog le 23 février sous le titre « Les artistes et la médiation culturelle ».

Comment les artistes fournissent les bâtons pour se faire battre. La personnalité artistique n’a cure de pouvoir, ici, le mot pouvoir est associé à celui de créer. L’artiste est assez fréquemment mauvais gestionnaire de sa carrière, et s’il ne développe pas cette capacité d’autres s’en chargent pour lui à ses dépens. Nous possédons tous ce que C.G.Jung a désigné par le nom de Personna, c’est notre face visible en société, la vitrine de notre personnalité. Nous donnons à connaître publiquement une personnalité particulière, sérieuse ou légère, amicale ou fermée, solidaire ou égocentrée, bohème ou carriériste, exubérante ou retenue, etc. En approfondissant le caractère d’un individu, on découvre que derrière la façade peut se cacher son opposé, et cette apparence dissimule généralement des vulnérabilités. Tout ça pour dire que nous ne sommes pas monolithiques, nous possédons de nombreuses facettes de personnalité. Le contenu de nos pensées, nos comportements sont mus par diverses énergies qui nous traversent et parfois nous habitent depuis l’enfance. Nous pouvons très bien avoir des parties en contradiction et il n’est pas aisé de les harmoniser. Pour avoir la paix, nous sommes parfois tentés de donner raison à l’une et aussitôt l’autre réclame ses droits. Toute la difficulté est de supporter ces oppositions qui nous tiennent dans un équilibre inconfortable. Notre équipe intérieure est parfois difficile à contrôler.Certaines de ces voix intérieures sont très enfantines, comme par exemple celle de l’artiste. L’énergie de l’artiste veut toute la liberté, elle ne supporte aucune entrave, elle ne veut entendre aucune raison. Elle est très séduisante et offre des passions et d’immenses compensations aux maux existentiels, elle procure des plaisirs incomparables. En apparence, il y a de quoi faire des envieux. Cependant, à l’excès elle peut devenir toxique et envahir toute la personne. J’ai entendu dire à plusieurs reprises qu’un authentique artiste, c’est celui qui ne peut pas faire autrement que créer. Je crois que c’est vrai, mais si ce côté de ma personnalité est un fil moteur et occupe une place centrale dans ma vie, je revendique également pour mon équilibre l’existence des autres facettes.  Pour aborder les aspects gestionnaires, peut-être moins séduisants que ceux de la création, s’il n’y a personne dans ma petite entreprise pour accepter de jouer ce rôle, l’énergie artistique risque de m’entraîner dans la misère. Mon travail sera peut-être magnifique et même reconnu mais dans le meilleur des cas il profitera à une entreprise extérieure mieux organisée que la mienne. Les clichés ont hélas encore de beaux jours : l’artiste maudit, la bohème, la dèche, rien de très agréable ni confortable. Non merci !

Si je ne gère pas mon temps, mon travail ou mes finances, d’autres vont s’en charger à mes dépens. Chaque fois que je renie un aspect de ma personnalité, chaque fois que je rejette une partie de moi aux oubliettes de l’inconscient (par exemple l’argent ou le pouvoir dans ce cas précis), il ne se passe pas longtemps avant que ce terrain laissé vacant ne trouve preneur. La situation est comme aimantée, ce qui doit être géré appelle immanquablement un gestionnaire et si je laisse cette place inoccupée elle sera récupérée pour le bonheur d’une entreprise extérieure. Si vraiment je décide d’attribuer une place très large à mon énergie artistique, il me reste encore une dernière solution, celle de la sous-traitance, encore faut-il en avoir ou s’en donner les moyens.

One Response to “Le métier d’artiste: une entreprise comme une autre”

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