L’imaginaire et les énergies primitives

Commentaires inspirés par la lecture de quelques textes de Kant et de Platon sur l’art :En reniant nos énergies primitives, nous perdons la capacité de nous relier à notre imaginaire.

S’il est entendu que ce qui distingue l’Homme de l’animal, c’est sa capacité de représentation, il n’empêche que c’est à l’état sauvage que se dévoile le génie dans l’Å“uvre d’art et cet état sauvage rapproche l’Homme de son instinct animal.

A la source de l’Å“uvre d’art il y a bien une idéation, soit une représentation mentale, mais c’est exclusivement par son intuition, en termes neurologiques l’utilisation du cerveau droit, que l’artiste se soumet à son instinct, c’est-à-dire à son génie (ce qui rejoint la déraison de Platon).

Ce que je nomme ici instinct a quelque chose à voir avec la vacuité de la raison, une pleine disponibilité aux sens. Depuis la petite enfance, la morale nous enseigne à devenir plus raisonnables (à utiliser notre cerveau gauche), plus policé, plus humain (!) ; ceci se fait au détriment de notre animalité et de nos énergies sauvages (le dommage fait au fauve par le domptage selon Nietzsche). Ce qui est sauvage et non éduqué fait partie des valeurs négatives dans nos civilisations judéo-chrétiennes, hors l’instinct est relié aux énergies sauvages.

A la naissance, nous sommes livrés à nos sens, les images qui prennent place dans notre cerveau immature sont puissantes, voire violentes, parce qu’elles ne sont pas accompagnées de mots, elles ne sont pas décodées par le cortex. L’imagination a ici libre cours, les images occupent toute la place. Le nouveau-né vient au monde dans une dépendance totale, il doit passer par une phase de grande vulnérabilité pendant cette période où il est dominé par ses sens. La psychanalyse nous a appris qu’à mettre des mots sur les évènements nous réduisons considérablement leur impact sur nos affects.

Au commencement ressenti et vulnérabilité sont indissociables et si la plupart d’entre nous cherche à être le moins vulnérable possible et à se prémunir des émotions violentes, les artistes, eux sont d’une autre espèce. L’émotion est leur matière première.

L’artiste cherche à exprimer le produit de son imagination, à se donner à « re-connaître » et à offrir en partage quelque chose d’émotionnel qui l’habite. Pour que ce ressenti ait une chance de se transformer en production originale, l’artiste puise son inspiration première dans la masse brute de son imaginaire, dans la partie inculte de son cerveau, celle que la raison n’a pas censuré.

Quelle que soit la nature du génie, c’est en se livrant à une instance reliée à la toute petite enfance, telle l’acuité réceptive d’un nouveau-né que l’artiste peut atteindre son espace de création.

Celui qui prétend être visité par le génie se doit d’être en position de totale réceptivité et de grande sensibilité, il en devient ainsi plus atteignable. Plus la capacité à supporter l’insécurité engendrée par cette ouverture est grande, plus il y a d’espace pour la sensibilité artistique.

Celui qui se trouve doté d’un tel talent l’a-t-il reçu dans son jeune âge, lors qu’il était dans une sorte d’état de vacuité, le génie tel un dieu de l’Olympe se glissant dans la brèche offerte ?

Faut-il que la souffrance accompagne nécessairement la création ?

Est-il également possible à force de rêverie de livrer son esprit à un génie ?

L’état de rêverie est-il ligoté à la nostalgie ?

(à suivre…)

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