Je ne vois pas où ranger ça…

[photopress:dernier_tango_sur_terre.redi.jpg,full,centered] »Dernier tango sur terre », huile sur toile, 150x220cm

(d’après Delacroix: « Le combat de Jacob avec l’ange », à l’église St-Sulpice à Paris)

C’est idiot, j’ai fait ça pour snober un copain uruguayen et maintenant je l’ai sur les bras… c’est pas très passe-partout. Le pire c’est qu’il y en a plusieurs modèles! Je me demande où j’avais la tête? J’avais bien pensé le proposer à une boîte mais ils ont tous leur décorateur designer branché. Peut-être que ça pourrait intéresser un forain? Si vous avez une idée, n’hésitez pas.

4 Responses to “Je ne vois pas où ranger ça…”

  1. lamm nadia dit :

    Bonjour,

    Je suis tombée sur votre oeuvre en cherchant qui était l’auteur du tableau que vous pastichez, à savoir Delacroix. Le combat de Jacob (l’homme) avec l’ange (Dieu) est la parabole de la résistance de l’homme à l’amour dévorant de Dieu. Pour moi il y a là une vérité que je redécouvre dans mes moments de découragement et qui me fait toujours du bien (peut-être le seul vrai bien ici bas). C’est pourquoi je me permets de vous indiquer le titre du livre qui porte la reproduction de ce tableau (magnifique soit-dit en passant) : M.-D. Molinié , Le combat de Jacob; Cerf, 1982. Livre merveilleux d’après moi.

    Votre propre interprétation de ce tableau est « piquante » mais aussi attristante, car narquoisement démystifiante…

    Vous souhaitant bon courage,

    Nadia.

  2. Musarde dit :

    Bonjour Nadia,
    Votre commentaire me rassure, il me sort de la très redoutable indifférence, merci. De plus vous me faites réfléchir sur l’écart entre ma vision et celle du spectateur de ma peinture.

    Lorsque j’ai produit cette image, j’avais quelque chose à dire à un homme en particulier et c’est comme ça que c’est sorti, de façon relativement inconsciente. C’était sans doute narquois, vous avez raison. J’avais envisagé cette interprétation de la relation homme femme sous l’angle psychanalytique, ce qui me positionnait un peu comme donneuse de leçon, je le reconnais. Je croyais dire à cet homme, qu’en luttant contre son féminin, il luttait contre lui-même et concourait ainsi à son propre épuisement si ce n’est à sa perte. Je ne suis pas certaine qu’il ait eu la même interprétation que moi du message, mais ce que je crois c’est qu’il n’est pas prêt d’oublier l’image. Je me rebellais ainsi contre une violence dont je ne savais pas me protéger autrement.

    Ce qui peut bousculer le spectateur, c’est peut-être qu’une femme soit représentée dans le rôle de Dieu. Dieu est masculin dans nos cultures monothéistes. Nous ne voulons pas d’un Dieu qui se transforme avec des maternités, nous voulons un Dieu immuable et parfait. Un modèle sans défaut, en toute polarité avec l’humain, pécheur, menteur, cupide, lâche, etc… Du côté de l’homme les défauts, du côté de Dieu, l’inatteignable perfection, seul espoir: l’au-delà. Pas très gai tout ça.

    M’intéressant à la philosophie, je tente de retrouver l’auteur d’une citation: « Si les dieux étaient plus humains, les humains seraient plus divins »… ici nous voilà en Grèce antique où l’imperfection est partagée entre hommes et dieux (et déesses).

    Entre un modèle imparfait qui nous invite à ne pas lui ressembler et un modèle si parfait qu’on ne puisse y parvenir jamais, n’y a t’il pas un intermédiaire, une nuance, quelque chose qui s’appelerait tolérance? Tolérance avec soi en premier lieu, puis avec l’autre et ses défauts, quelque chose qui laisserait une chance à l’amour…

    Et puis comme disait hier mon professeur de Philosophie qui est tout de même licenciée en théologie « la parole que délivre l’Eglise au nom de Dieu est en fait celle de l’homme ».

    Merci pour la référence du livre de M.-D. Molinié, je vais le rechercher. Pour ma part j’ai très envie de citer celui de Nancy Huston: « Les professeurs de désespoir » (parce que je suis entrain de le lire et parce qu’il a nourri une partie de ce modeste propos).

    A signaler également un film culte : « La Leçon de Tango » de Sally Potter, qui m’a inspiré cette transposition du tableau de Delacroix.

    Moi je vous souhaite le plaisir qui donne le courage. Amicalement.

  3. lamm dit :

    Chère « Musarde »,

    Ce Dieu parfait en quoi a-t-il besoin de venir chercher l’homme pour qu’il Le reconnaisse et se laisse aimer par lui? Tout parfait qu’Il est, il ne peut être amour que si je, nous, vous l’aimez en retour -ce qui veut dire accepter une proposition qui est « folie pour le monde » ce monde « tolérant » à tout et surtout à sa propre indifférence à la sollicitation divine.

    C’est tout le sens que cette quête de l’homme par Dieu (à laquelle l’homme résiste de toutes ses forces ) que représente la toile de Delacroix. Partie féminine de Dieu que votre propre tableau a su restituer de manière frappante et exacte puisque cette femme, comme le messager divin, résiste parfaitement à la pression de l’homme, malgré l’acharnement qu’il y met (à croire qu’il la remercie secrètement de sa force!).

    Son combat avec sa part de féminin, le combat des femmes avec leur part de masculin… et si tout cela n’était que l’antichambre d’un combat plus fondamental celui de la partie que nous jugeons estimable en nous avec celle que nous répudions régulièrement mais qui – vulnérabilité extrème à l’amour – nous sauve de la médiocrité de l’indifférence ?

    Merci de votre sincérité et de votre art,

    Nadia.

  4. Musarde dit :

    La circulation des idées entre différents penseurs, crée à foison les pistes à explorer, c’est fascinant. Cette ouverture à la réflexion et aux questions, quelles qu’en soient les réponses, valorise mon travail et enrichit mon ruisseau créatif. Merci à vous Nadia.